Tribulations automobiles

Ethel prenait rarement sa voiture pour sortir de chez elle, la conduite ne lui étant pas une activité particulièrement agréable. Elle maudissait ces longues files interminables de voitures, peinait à se souvenir de la signification des panneaux de signalisation et avait également des difficultés de mémorisation en ce qui concernant les règles de priorité. En d'autres termes, elle était une conductrice exécrable.
Pourtant, ce matin là, une impression de flou permanent s'était emparé de son esprit et, sans le vide béant de son frigidaire, elle aurait volontiers passé la matinée entière dans ses oreillers. Se sentant donc trop éreintée pour parcourir la distance qui la séparait du centre ville à pied, elle s'était finalement résolue à sortir sa voiture du garage et avait particulièrement mal conduit - ce qui n'était pas peu dire.
Une fois ses courses terminées, elle se dirigea vers le parking où elle avait laissé son véhicule, les bras chargés de poches plastifiées. Mais, alors qu'elle tentait d'en finir au plus vite avec ces corvées alimentaires, elle fut frappée d'une stupeur soudaine. Malgré ses efforts répétés, la clef refusait de s'introduire dans la serrure de son coffre.
Elle s'arrêta donc et, pinçant les lèvres, tenta d'ouvrir la portière du conducteur sans plus de succès. Elle s'apprêtait à casser la vitre coté passager quand un bruit derrière elle l'arrêta.

Andro avait regardé la scène un peu en retrait. Il observait attentivement la jeune femme qui paraissait plus que fatiguée. Elle se dirigeait vers une voiture dans l'intention de déposer ses courses. Mais le jeune homme savait qu'elle avait fait une erreur... Elle était pourtant bien grosse pour ne pas s'en rendre compte ! Lorsqu'elle s'appréta à casser la vitre un autre homme se mit à crier derrière elle.

-He ! C'est ma voiture ! Vous êtes malade !

Le jeune italien ne bougea pas et resta dans l'ombre d'un recoin du parking.

L'étranger arréta le geste de la jeune femme et d'un regard mauvais la poussa. Suremment un homme d'affaire... Nerveux, stressé et terriblement brutal. Il ouvrit la voiture avec sa clé et monta dedans. Il démarra au quart de tour sans même attendre une réponse ou excuse de la jeune femme.

La scène s'était déroulée très vite et Andro avait du mal à retenir son rire. Si bien que pour crever l'abscès il se dirigea vers elle.

-Quel goujat !

Ethel, stupéfaite, n'avait pipé mot lorsque le propriétaire de ce qu'elle avait pris pour sa voiture l'avait bousculée de la plus grossière façon pour s'installer à la place du conducteur et partir au plus vite, écrasant au passage le contenu de l'une des poches plastifiées. Elle considérait à présent le mélange d'oeuf, de salade et de yaourt qui commençait à colorer le béton, toujours frappée de la même stupeur silencieuse.
Une voix inconnue fit une remarque et elle dut secouer la tête pour retrouver tout à fait ses esprits.
- Il semblerait, en effet...
Elle posa les yeux sur le visage du jeune homme qui avait parlé. C'était bel et bien un total inconnu. Un peu perdue, elle chercha sa voiture des yeux sur le parking.